samedi 14 décembre 2013

Partir...

                                                                                Livre de Poche 1972



Jim Hawkins                                                               7 avril 1750
Sur les quais de Bristol

Chère Mère,

je t'écris cette lettre pour t'annoncer mon départ pour l'île au trésor. Nous appareillerons à l'aube au moment où la marée et les vents sont le plus favorables. Le bateau sur lequel nous naviguerons est magnifique. On peut voir que sa fabrication a été réalisée avec grand soin, ce qui pour mes camarades et moi est un gage de fiabilité. Notre voyage est placé sous les meilleurs auspices, je te l'assure, mère. Je serai entouré d'hommes droits et pleins d'honneur, tels que le docteur Livesey, le chevalier Trelawney, le capitaine Smollett, et notre maître-coq Long John Silver, qui est uu homme bien, et encore d'autres braves gens.

Malgré mes quatorze ans, je dois y aller, je n'ai pas d'autre choix, je dois le faire pour notre famille, car sans Père, nous n'arriverons jamais à nous en sortir. Ce trésor représente notre dernier espoir d'être à l'abri du besoin et d'avoir enfin une vie paisible que Père, malgré tout son travail et ses sacrifices, n'a pu t'offrir.

Je sais que je vais au devant de difficultés que je n'imagine probablement pas, mais, tu dois me comprendre, cette aventure me donnera la preuve que je suis également un homme digne de confiance et courageux, comme Père l'aurait voulu. Encore une fois, fais-moi confiance. Je sais que ceux qui partent au loin souffrent de maux pouvant conduire à la mort. Mais ce voyage a été préparé avec soin, et je suis certain que nous ferons face... notamment au problème de la nourriture, souvent épouvantable à bord d'après les récits de marins que j'ai souvent entendus à la taverne, grâce au maître-coq Long John Silver qui embarque avec nous et dont tout le monde dit le plus grand bien. Le capitaine a par ailleurs pris l'assurance de pouvoir lutter contre le scorbut en approvisionnant le navire avec un tonneau de pommes, si grand que je pourrais me glisser dedans. Ainsi nous éviterons de nous affaiblir et de passer de vie à trépas après avoir perdu toutes nos dents.

Notre destination nous conduira inévitablement au devant de ce tempêtes effrayantes et si puissantes que bien des bateaux n'y ont pas survécu. Mais nous avons, comme je te l'ai dit, un navire fort et robuste, sur lequel ont embarqués de véritables loups de mer, aguerris, prêts à donner leur vie pour le capitaine Smollett dont les exploits en mer sont connus de tous et en qui j'ai une grande confiance.

Bien entendu, nous risquons de croiser des pirates. Ces êtres abjects et sans Dieu sont prêts à tout pour quelques misérables pièces d'or, mais ils ne me font pas peur : j'ai appris en cachette à manier les armes et je saurai leur faire face. Tout du moins je ne donnerai pas ma vie sans rendre chaque coup ... Et puis notre sainte-barbe est équipée de canons, de poudre et de fusils, grâce à quoi nous saurons les affronter.

Mon désir d'aventure, cette folle excitation qui m'habite depuis des semaines, me portera dans ces moments cruels quand perdu au milieu de l'immensité de l'océan je n'aurai que mon courage et ma foi pour me soutenir.

J'espère, chère mère, que cette longue missive apaisera ton angoisse de perdre ton enfant, qui ne l'est plus, je te l'assure. Ma force et ma volonté d'accomplir ce périple exaltant, cette aventure que peu d'hommes peuvent se vanter d'avoir entrepris, la foi totale et absolue en mes amis, ainsi qu'en l'équipage avec qui je m'apprête à naviguer, l'impression de faire partie à part entière d'une autre famille qui prendra soin de moi, tous ces sentiments se mêlent et me portent loin de toi, mère, mais aussi loin de la peur qui pourrait m'entraver et me faire reculer.

Que Dieu te garde,
A toi, dans mon coeur

Ton fils

Jim


Fanny Maillard